1985 Paris-Pékin, mon histoire!
- Perli Pascale
- 23 juin
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 3 juil.
"Un voyage de 10 000 pas commence toujours par un premier pas" dixit Lao Tseu!
Il est grand temps que je vous raconte l’histoire de "Madreperla", mon histoire, car je fêterai en juillet mes 40 ans de belles rencontres et de cheminement avec la Chine, 20 ans de pratique de Médecine Chinoise, après 20 ans d’une carrière de styliste de mode à sillonner le monde.
Je vais en profiter pour ressortir quelques photos de mes boites à souvenirs et vous faire profiter de ce premier voyage, de Paris à Pékin en train, l’occasion de vous raconter comment mon destin m‘a sans cesse rapproché de ce pays, de cette culture du Tao, peut-être une histoire de « Karma », peut-être une histoire d’aiguille, de fil en aiguilles, moi, je dirai plutôt une évidence, avec ce pays, avec sa culture et puis plus tard, avec sa Médecine.

J’ai eu la chance inouïe en juillet 1985, dans le cadre de l’Année Internationale de la Jeunesse, sous le parrainage du ministère de la Jeunesse et des Sports, et de la Culture, d’être sélectionnée sur concours, pour participer à ce fameux voyage en train « Paris Pékin », avec 450 jeunes français de moins de 25 ans. Ce projet complètement dingue fut l’idée, à l’époque, de Claude Quenault, directeur de la MJC de Conflans Ste Honorine.

Celui-ci démarrait de Paris (plus exactement de Conflans Ste Honorine, ville de Michel Rocard) pour rejoindre Pékin, soit 9 jours à traverser l’Europe grâce à un train européen (avec encore à l’époque le mur de Berlin et sa frontière à passer), la Russie grâce à un train russe (avec plein d’espions, stewarts et cuisiniers, à bord pour nous surveiller) et la Chine grâce à un train officiel qui nous était spécialement dédié, conduit par une très belle locomotive à vapeur rouge, comme pour Tintin, dans le « Lotus bleu ».
Ce voyage était vraiment incroyable, l’occasion de mettre un échantillonnage étonnant dans ce train de la jeunesse des années 80: des punks, des baba-cools, des BCBG, des artistes (dont les frères Ripolin, Beau Geste…), des musiciens (Stéphane Planchon et son groupe qui ont fait découvrir le jazz en Chine), du théâtre de rue (le Théâtre de l’Unité et sa fanfare)…et toutes sortes de projets aussi hétéroclites les uns que les autres, projets qui ont été créés dans le train ou juste prévus pour Pékin, comme échanger avec les artistes des Beaux Arts de Pékin, faire connaitre le foie gras en Chine, faire des démonstrations de parachutisme, monter une agence matrimoniale dans le train ou juste rester 9 jours sans parler tout le long du voyage…

De notre côté, avec 3 de mes amis, Corinne Hellein, Ivan Sigg et Dominique Giroudeau, nos chéris de l’époque, nous représentions l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs et avions comme projet de diffuser un petit journal, un « fanzine » illustré pendant le voyage, ainsi que des vêtements en « tyvek », (non tissé) créés, coupés et surtout peints dans le train. Je venais de finir mon cursus, dans cette école, en section Design Vêtements et c’était mon projet de diplôme: comment créer des vêtements dans un train, avec les moyens du bord, sans machine à coudre?
Je ne pouvais imaginer à ce moment-là que nous ferions, habillés avec ceux-ci, un défilé sur la place Tian An’men, sans aucune autorisation, juste sur un coup de tête et de folie, accompagné de la fanfare du Théatre de l’Unité, le 14 juillet 1985!

Une créativité incroyable dans ce train, sans compter l’ambiance! Vous imaginez bien!…
Ça bouillonne, ça fait la fête, ça crée dans tous les sens. On ne voit plus les heures passer et les jours qui se raccourcissent d’une heure par jour. Plusieurs fois par jour, on s’arrête sur les quais pour se dégourdir les jambes, on danse, on fait les fous (les Russes n’aiment pas trop ces français tout pétillants de joie qui distribuent des dessins et des Polaroïds sur leur chemin).

Les organisateurs ont la trouille d’en perdre quelques uns en route (juste rappeler qu’il y avait 100 mineurs dont certains à peine de 16 ans dans le train). Patricia, l’assistante de Claude Quenault, se balade quand même avec 450 passeports dans une valise…

Cela mérite tellement aujourd’hui en 2025 de parler de ce voyage incroyable, qui marquait l’ouverture pour la 1ère fois de la Chine au monde, et surtout à la jeunesse occidentale, à sa folie de l’époque, au moment où les frontières ont tendance à nouveau à se refermer partout. Un vent de jeunesse et de liberté avait commencé à être insufflé dans ce grands pays, mouvement malheureusement écrasé 4 ans plus tard, au moment des évènements de Tian’An men.
Revenons à ce voyage, bouillonnant de vie, de liberté et de créativité!… Nous étions bien jeunes et naïfs au moment de notre départ, nous n’avions pas mesuré l’impact politique sur ce grand pays et surtout l’accueil que l’on nous ferait, nous petits français privilégiés et inconscients, devenus sans le savoir des ambassadeurs de la liberté.
Le choc fut vraiment immense, une vraie claque dans la figure au moment où, à 50km de la frontière russo-chinoise, à Manzhouli, une des plus petites villes chinoises, nous attendaient des centaines d’enfants, petites filles avec des rubans rouges dans les cheveux, petits garçons avec trompettes, pour nous accueillir en fanfare, sous une banderole « Chaleureuse bienvenue aux jeunes amis français! ».

Forcément, à l’arrivée à Pékin, nous sommes accueillis en grande pompe à la gare, comme des rois, à défiler au milieu de milliers de personnes, au son du Gong, pour finir le soir-même reçus à l’Assemblée nationale du Peuple, pour une cérémonie officielle (comme Pompidou et d’autres chefs d’état quelques années auparavant), à célébrer « Avenir », « Amitié entre les peuples» et « Paix », autour d’un magnifique banquet.

Nous avions la chance, avec mes 3 autres amis des Arts Déco, de pouvoir être hébergés chez le correspondant français de l’Humanité, car nous faisions une chronique photographiée tous les jours du voyage, ce qui nous a permis de visiter la Chine en train, la Chine de 1985, avec encore ses petits costumes bleu indigo et ses débardeurs rose fluo. Les gens venaient nous toucher, surtout Corine, mon amie, blonde aux yeux bleus, car nous étions vraiment des inconnus pour eux, des « nez pointus ».
Alors quel lien, avec ma carrière d’aujourd’hui, 40 ans après?
Vous ne devinerez jamais ce qui m’a le plus plu pendant ce voyage?
Ma plus grande découverte et fascination, à Pékin, a été pour le Tai Chi Chuan, dans les parcs et je m’étais dit qu’un jour, je pratiquerai cela, car c’était pour moi une révélation. Voici ce que j’écrivais à l’époque, pour un journal, en septembre 85, à mon retour de ce voyage, ne connaissant encore rien du Tao et de la Médecine Chinoise:
« Ici et là, entre 5h et 6h du matin, chacun éveille son corps aux pulsations de la nature, on appelle cela « Tai Chi Chuan », c’est la gymnastique des ancêtres, une sorte de danse rituelle, un enchainement harmonique de positions d’équilibres, que chacun module, suivant son âge et sa fougue. Les plus jeunes bondissent avec un sabre, les plus vieux méditent en promenant leur cactus ou leur oiseau en cage. Il y a aussi celui-là, caché dans une petite montagne qui exerce sa voix. Tout est calme, reposant la fois, à cette heure claire et fraiche du matin, les énergies du corps et de la terre ne demandent qu’à s’activer tout en douceur et en harmonie. »

A mon retour, grâce à ce voyage et son impact médiatique (de nombreuses photos de mon défilé sur la place Tian An’men dans la presse), j’ai eu envie de créer une petite collection inspirée de ce voyage.


J’ai aussi pu avoir mon premier job et rentrer dans une des plus belles maisons de mode de l’époque « Marithé & François Girbaud ». Cela a été le propulseur d’une belle carrière de styliste en free-lance, pendant 20 ans et l’occasion de retourner très régulièrement en Chine pour mes collections (mais pas encore pour la Médecine Chinoise!).
Dix ans après ce voyage, le même ami qui m’a parlé de ce concours « Paris-Pékin », Christian B. à qui je dois une bonne partie de mon destin, me parle d’un cours de Qi Gong et de Tai Chi Chuan, à 200 mètres de chez moi, à Paris, mené par un super professeur, Bertrand Dessane. J’intègre ce cours et remets les wagons… c’est parti pour 15 ans où je commence moi-même à enseigner, tout en continuant à être une super styliste, bien stressée par ses trop nombreux voyages et qui n’aspire qu’à une chose, redevenir zen! C’est la raison pour laquelle, à 40 ans, j’entame une reconversion et m’inscris dans l’école de Philippe Laurent, pour approfondir cette piste du Tao et commencer la Médecine Chinoise, acupuncture et massages Tui Na. Cela me prendra 10 ans, avec l’étude en plus de la Diététique Chinoise avec Josette Chapellet et surtout la rencontre d’un exceptionnel grand maître chinois, Baï yunqiao qui m’enseignera le Qi Gong Tuina, ou comment soigner avec l’énergie de mes mains.
Ces quelques lignes donc pour vous raconter comment ce voyage a, dans mon cas, tellement inspiré le cours de mon destin. J’enseigne aujourd’hui la Médecine Chinoise, j’ai écrit avec 2 autres auteurs « Le guide familial de la Médecine Chinoise » (aux éditions Mango). Ma plus grande passion aujourd’hui est la cuisine et aussi comprendre comment se soigner en mangeant, à travers la Diététique Chinoise. J’ai créé depuis ce blog de cuisine « Madreperla » pour vous régaler. J’aspire juste très humblement à donner envie à chacun(e) de se cuisiner de bons petits plats, de les savourer avec joie et délice, tout en se faisant du bien.
Comme le dit le proverbe chinois: « Bien manger, c’est atteindre le Ciel ».
Voici donc l’histoire d’une jeune femme de 25 ans qui n’aurait jamais imaginé là où ce train de Paris à Pékin l’emmènerait…
Article écrit par Pascale Perli « Madreperla »
Merci à mes amis des Arts Déco pour certaines de ces photos: Corinne Hellein, Ivan Sigg et Dominique Giroudeau!
Pour en savoir plus sur ce fabuleux voyage de Paris à Pékin, en 1905, découvrir nos photos, vidéos, récits et carnets de bord, je vous conseille de consulter notre site: www.paris-pekin-1985-2025.fr
Merci beaucoup pour cet article passionnant. J’étais loin d’imaginer tout cela.
Cela me replonge aussi dans les années 80, où il y avait probablement plus de perspectives d’espoir dans le monde qu’aujourd’hui (même si ces espoirs ont souvent été douchés par la suite).
Je me rappelle très bien du style des vêtements Marithé et François Girbaud, pas à ma portée financière, mais tellement identifiables. Avec effectivement un côté « asiatique » dans leurs lignes 😉
Parcours passionnant que le vôtre, riche de rencontres !